La possibilité de répercuter le coût des travaux ordonnés par l'administration
Maître Laura Tordjeman, avocate en droit commercial et droit des sociétés à Toulouse nous éclaire sur le sujet :
Bail commercial : Sur la possibilité de répercuter au preneur le coût des travaux ordonnés par l’administration
La jurisprudence de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 29 juin 2022 (n°21-14.482 F-D, Sté BARAKA c/X) confirme une nouvelle fois que le bailleur peut, par une clause expresse, transférer au preneur le coût des travaux, notamment d’isolation phonique, nécessaire à l’exercice de son activité.
Dans cette affaire, la clause de destination d'un bail commercial de locaux à usage de café-restaurant avait été modifiée par avenant pour y adjoindre l'activité de bar à ambiance musicale.
Le bail initial stipulait que le preneur « aura à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité », et qu'il devrait « assurer [l'exercice de son activité] en conformité rigoureuse avec les prescriptions légales et administratives pouvant s'y rapporter »,
L’avenant quant à lui prévoyait que le locataire devait « se conformer rigoureusement aux prescriptions administratives et autres, concernant l'exercice de cette nouvelle activité et devait veiller à ce que celle-ci n'apporte aucune nuisance de quelque sorte que ce soit aux autres occupants de l'immeuble ou au voisinage. »
Un litige survient entre les parties concernant la prise en charge de travaux d’isolation phonique à entreprendre. Le preneur assigne le bailleur en remboursement du coût de ces travaux.
La Cour de cassation déduit, que les parties ont entendu, par dérogation aux obligations normalement mises à la charge du bailleur, transférer au preneur le coût des travaux, notamment d'isolation phonique, qui s'avéreraient nécessaires à l'exercice de cette nouvelle activité, et a en conséquence, rejeté, les demandes du preneur.
Rappel sur les dispositions applicables :
Principe : Aux termes de l'article 1719, 1° et 2° du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au locataire la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.
Ainsi, les travaux prescrits par l'administration sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire concernant ces travaux.
=> Exception : Les parties peuvent donc prévoir aux termes du bail que le coût de ces travaux sera supporté par le locataire, à la condition que cette clause dérogatoire soit claire, précise et dépourvue d’ambiguïté, celle-ci étant strictement appréciée par les tribunaux.
✅ Tel est le cas par exemple d’une clause stipulant que tous travaux déterminés par les règlements administratifs incombent au locataire (Cass. 3e civ. 8-12-2004 n° 03-18.361 : concernant la prise en charge par le preneur des travaux de mise aux normes prescrits par la commission de sécurité) ;
❌ Cependant, il a été jugé que la clause qui oblige le locataire « à se conformer rigoureusement pour l'exploitation de son commerce aux prescriptions administratives pouvant s'y rapporter », sans prévoir de façon explicite à qui revient la charge des travaux, ne justifie pas d'en faire supporter le coût au locataire (Cass. 3e civ. 19-3-2003 n° 01-17.187).
❌ De même, la clause obligeant le locataire à se conformer aux lois et règlements en vigueur concernant notamment la sécurité, de façon que le bailleur ne puisse ni être inquiété ni être recherché à ce sujet, ne vaut pas décharge expresse de ce dernier (Cass. 3e civ. 28-1-2021 n° 20-13.854 précité).
Limitation de l’exception : Pour tous les baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014, il est interdit de mettre à la charge du locataire les travaux de mise en conformité de l'immeuble avec la réglementation s'ils relèvent des grosses réparations de l'article 606 du Code civil (C. com. art. R 145-35, 2°), c'est-à-dire s'ils touchent à la structure ou à la solidité générale de l'immeuble. L’énumération des grosses réparations visées à l’article 606 du code civil n’étant pas limitatives, il appartient de nouveau aux juges du fonds d’apprécier souverainement si les travaux relèvent dudit article.
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